Dimanche soir, Dieu referme sa valise. Il vient de passer une semaine de vacances aux enfers avec Satan et s’apprête à remonter s’occuper de Ses divines affaires. Un pincement au cœur, Il hésite. S’Il restait un peu plus en bas, qui se rendrait compte de Son absence ? S’Il envoyait Satan présider Son Royaume à Sa place, cela ferait-il une réelle différence ? De par Son expérience, le Bien et le Mal ayant tendance à s’entremêler sur le long terme, pourquoi ne pas tenter l’alternance ? Avec un profond soupir, Dieu se résigne. Ses voies ont beau être impénétrables, Il sait que le monde parait bien assez compliqué aux yeux des mortels, Il n’a pas besoin de brouiller les cartes plus que de raison. Un dernier adieu teinté de regrets à Son âme sœur maudite et Le voilà rentré parmi les Siens.
Samedi matin, Dieu est songeur. A-t-Il rêvé ? Seulement cinq jours de passés, une brève inspiration au regard de Son éternité, mais Son séjour lui paraît bien lointain. S’est-Il vraiment enivré jusqu’à ne plus savoir Son nom, s’est-Il vraiment vautré dans la luxure chaque nuit jusqu’à envisager la débandade avec soulagement, a-t-Il réellement été ébloui par les merveilles trompeuses contre lesquelles Il met les mortels en garde, a-t-Il dansé, fabulé et mangé à tout-va jusqu’à sentir la vie envahir Sa sainte carcasse, a-t-Il torturé par curiosité et a-t-Il pris plaisir à être supplicié jusqu’à accepter la douleur comme témoin de son intégrité physique et mentale ?
Tout cela Lui semble un peu flou, de ce côté de la réalité. La routine et les responsabilités n’ont pas tardé à Le rattraper. Aussi passionnante et exaltante que soit Son existence, elle ne laisse pas vraiment place au futile, à l’inconscience, à la sensualité. Déjà, abruti par Ses devoirs, Ses sentiments s’érodent et Sa petite parenthèse est effacée. Il pense qu’Il n’a même pas envoyé de carte à Satan pour dire merci. Puis, même ça, Il l’oublie. Prochaine pause dans quelques siècles.