Ils font une pause dehors et se ressemblent tous. Une bière à la main, de nombreuses autres dans le nez, ils parlent fort, sont exubérants ou se font des confidences hurlées dans l’oreille, “non, mais tu sais, toi, j’t’aime vraiment beaucoup”. Ils prennent tout le trottoir, ne s’en rendent pas compte ou s’en foutent, rien n’existe en dehors de la bulle définissant la portée de leur volume sonore. Ils sont bien, ils vivent l’instant. Ils se sentent horriblement mal, n’arrivent pas à régurgiter leurs bières ou leur whisky. Ce sont tous les mêmes, à chaque sortie de salle de concert, de boîte de nuit, de bar.
Est-ce que tout le monde passe donc les mêmes soirées? Peut être pas. Les autres, ceux qu’on ne voit pas, profitent de leur concert, de leur repas, de leur soirée. Ils ne participent pas aux discussions politico-philosophiques destinées à changer le monde. Ils ne racontent pas leurs souvenirs les plus intimes à de parfaits inconnus devenus l’espace d’une heure leur meilleur ami et la personne la plus compréhensive qu’ils connaissent. ils n’ont pas la sensation de plénitude que ressentent ceux qui ont passé la soirée “en off”, qui est toujours, bien évidemment, la meilleure que l’on puisse vivre. Ils emmagasinent des souvenirs, de la culture, des bons moments mais se sentent moins vivants que ceux pour qui rien n’existe en dehors du moment, du lieu, des personnes présentes. Et qui auront tout oublié d’ici demain, recherchant alors de nombreuses autres soirées de ce genre pour ressentir encore le monde et ne pas en rester spectateur.