Il me nourrit, je le protège. Je ne suis pourtant pas un simple garde du corps, et lui pas un simple patron. Dès le premier regard, le premier geste, j’ai su qu’il était mon ami. Et lui aussi me considère comme son compagnon, son confident. Il a confiance en moi et, loyal jusqu’à la moelle, je n’ai aucune envie de le décevoir. Depuis le temps que nous sommes sur la route, j’ai appris à connaître et anticiper la moindre de ses réactions. Je l’avertis à chaque danger, ne dormant que d’un demi-œil pour lui permettre de dormir d’un œil. On essaie tant bien que mal de trouver le repos, c’est plus facile à deux quand on peut se tenir chaud.
La vie au grand air me convient bien, peu importe ses contraintes. Lui est souvent plus sensible, mais à mes côtés il s’endurcit. J’ai parfois peur d’être un poids, une charge pour lui. Peu importe sa faim, il partage son repas avec moi. Parfois il reste dehors, dans le froid, au lieu de rentrer se mettre au chaud pour ne pas me laisser seul. Souvent il est dans un état un peu second après cette boisson qu’il avale mais ne me donne jamais. Il me dit que ça lui tient chaud, à l’intérieur.
Il me dit aussi souvent qu’on est unis pour la vie. Qu’on se suffit l’un l’autre. Qu’on n’a pas besoin de vivre en meute. Je ne comprends pas ce concept de solitude choisie. Moi, je l’accepte pour lui, mais quand je croise un des miens, je suis toujours en fête. Lui fuit ses semblables. Eux ne le voient pas. Ou font semblant, je le vois bien. Il se méfie d’eux tout autant qu’eux de lui. Il arrive bien que l’on croise quelques fois des vagabonds ou des passants un peu plus bavards que d’autres, mais ces rencontres restent éphémères. Chaque personne croisant notre chemin finit toujours par partir, au bout d’une minute, une heure ou une semaine. Alors nous poursuivons notre bonhomme de chemin, ensemble et satisfaits de l’être.