Gravés dans le marbre

Un jour, peut-être on sera vieux. Et puis un jour, pour sûr, on sera morts. Alors, seules deux dates séparées d’un fin tiret témoigneront que l’on a été vivants. On en sera réduits à ça. Deux dates sur une plaque, dans une allée gravillonnée.

Le promeneur, inconscient de son sursis, se racontera quelques histoires pour le frisson. Il devinera l’époux sous sa femme, la mère qui rejoint finalement son fils, sept ans après l’avoir pleuré, il pèsera le poids des trente ans qui ont séparé deux sœurs jumelles. Par quelques soustractions, il évaluera le gâchis des grandes moissons : les jeunes morts de 14-18, 39-45… qui remplissent des allées entières et que des monuments honorent encore. Il visualisera les assemblées endeuillées plus ou moins fournies en fonction du nombre et de la taille des plaques déposées, des fleurs encore fraiches, de l’entretien minutieux des tombes par-delà les années.

Il ne saura rien d’autre de nous que ce que ces dates lui apprendront. Notre âge, notre époque, notre famille proche. Et c’est tout. Toute notre vie, nos joies, nos peines, nos succès, nos renoncements, les jours de fête, les grandes dépressions, nos amours volages, nos amitiés renversantes ou la solitude comme une seconde peau, tout cela se résumera à un tiret entre deux dates gravées dans le marbre.

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