Il n’y a pas de signe distinctif pour le club auquel j’appartiens. Pas de blouson, pas de tatouage, pas de pendentif ou de couvre-chef particulier. Pas d’hymne, pas de blason, pas de devise. Rien ne nous distingue des autres, nous ne nous réunissons pas régulièrement pour parler de nos ressentis, de nos difficultés, de nos progrès. Nous nous croisons dans la rue sans nous reconnaître, nous arpentons les mêmes villes sans le savoir.
Nous ne nous réunissons qu’au gré de rencontres fortuites et éphémères. Qu’une soirée s’éternise, que le gros des troupes quitte la fête en chapelets qui s’égrainent et alors seulement nous nous identifions. Le club des gens qui ne veulent pas rentrer dormir. Le cercle des irrésolus, craignant de prononcer malgré eux les maudits mots qui termineront la soirée, éparpillant les convives, brisant l’instant de grâce, tranchant net l’éternité de ces échanges en petit comité au creux de la nuit.
Nous sentir vivants, ombres parlant, riant, chantant dans la ville endormie après la fermeture des bars, avec la lune comme seul éclairage. Les frissons au creux du ventre quand les murmures s’imposent ou s’oublient dans l’ivresse de l’instant qui gonfle les voix. Délicatesse pour des voisins moins chanceux que nous ou insouciance enfin retrouvée, reste la connivence en suspens, diluant efficacement les solitudes agrégées pour l’occasion. Jusqu’à ce que la petite bulle de désinvolture dans laquelle nous nous étions lovés éclate, toujours un peu trop tôt. Sur le chemin du retour, un sourire papillon prolonge cette réunion évanescente, qui sera déjà presque oubliée au matin.