On n’imagine pas, devant sa bienveillance affichée dans la rue. On n’imagine pas, devant sa fierté clamée à tous les voisins. On n’imagine pas, devant les marques ostensibles de tendresse distillées sous les regards. On n’imagine pas, en voyant la petite main bien au chaud dans la grande. On n’imagine pas, en mangeant les gâteaux au chocolat et en profitant de l’hospitalité. On n’imagine pas, en riant de bon cœur avec eux. On n’imagine pas, en entendant le mot Maman.
Comment pouvait-on déceler ? Le regard de l’enfant qui guette le moindre signe sur le visage de son interlocuteur. Les sursauts disproportionnés pour une petite frayeur. Le coude qui vient cacher le visage dès qu’un oiseau assombrit le ciel. La panique pour une tâche sur le T-Shirt. Les silences graves et la maturité trop tôt venue. La joie sincère et pressante, l’urgente euphorie dès qu’enfin une porte fermée assure une certaine sécurité. Les coups d’œil qui toujours évaluent l’environnement, à la recherche incessante de l’absence rassurante.
Tous ces petits signes noyés sous une mer de normalité. Les compliments publics effacent aux yeux de monde les dénigrements, l’amour-propre sapé et les humiliations. Le dévouement maternel et les sacrifices camouflent mieux que tout l’arbitraire, les sautes d’humeur et la main leste. La sacro-sainte fable de l’instinct maternel aveugle l’entourage et masque les failles béantes d’une femme en souffrance, fragile et de guingois, somme toute humaine.