Faire-part

Chers amis,

Vous avez été là pour partager notre bonheur quand nous nous sommes rencontrés. Nous avons fêté ensemble l’obtention de nos diplômes et nos premiers pas dans la vie active. Vous avez célébré avec nous notre union. Vous nous avez apporté votre aide pour notre installation. Vous avez baptisé nos enfants. Vous vous êtes réjouis de nos promotions. Vous êtes partis en vacances avec nous. Nous avons regardé les ans passer, les fêtant tous à notre façon.

C’est donc avec une grande émotion que nous vous convions cette année à la réception que nous organisons pour notre séparation. Vous pourrez revivre avec nous les débats de nos avocats. Nous boirons toute la nuit en souvenir du bon vieux temps. Vous nous ressortirez tous les moments de notre amour, d’un nouveau point de vue. Vous nous direz, au choix, que notre histoire était perdue d’avance ou au contraire que  la vie est injuste, nous étions faits l’un pour l’autre ; vous échangerez enfin l’argent de vos paris. Vous vous ferez arbitres et partagerez pour nous notre patrimoine et nos enfants. Vous fêterez comme il se doit notre liberté retrouvée. Vous pouvez venir accompagnés, de gens sympathiques et célibataires de préférence.

Nous comptons bien entendu sur vous pour ébruiter la nouvelle auprès de ceux que nous n’aurions pas l’occasion de prévenir. Et nous vous attendons de pied ferme dans la joie et la bonne humeur, le samedi 18 août à 14h pour un week end d’excès et de débordements, comme on sait si bien le faire lorsqu’il s’agit de fêter ce qui est important.

Je voulais tant être insomniaque

Disposer de vingt-quatre heures par jour, ça me faisait rêver. Vivre deux vies parallèles. Une vie sociale, comme tout le monde, faite de contraintes et de plaisirs partagés, et une vie secrète, connue de moi seul. Un peu façon Dr. Jeckyll et Mr. Hyde, en moins flippant.

Un jour, donc, j’ai décidé de ne plus dormir. Les yeux grands ouverts, j’ai ressassé. Meilleur moyen, parait-il, pour que le sommeil nous fuie. Ressassant tout et n’importe quoi, j’ai fini par sombrer dans le plus lourd sommeil que j’aie connu depuis longtemps. Raté, mais reposant.

Le deuxième jour, j’ai changé de tactique. J’ai insulté mon patron, dragué la sœur de ma copine et fait euthanasier mon chien. J’ai bu pour oublier tout ça et j’ai fini au poste. Mais ça a marché.

Le premier mois d’insomnies, je n’ai fait que pleurer. Jours et nuits, je m’apitoyais sur mon sort et ne fermais plus les yeux. Un peu lassant à la longue. Par la suite, j’ai essayé d’utiliser mon malheur comme force créatrice. Après avoir divulgué mon mal-être par tous les moyens possibles, après avoir hurlé ma culpabilité sur tous les médias, le filon s’est tari. Je me suis vidé de toute inspiration. Allez donc peindre, écrire, penser seulement, quand tout votre corps vous hurle qu’il n’en peut plus. Quand vos yeux écarquillés ne voient plus rien. Quand le monde s’assourdit, ne parvient à vous que comme à travers un voile. Quand votre système digestif se met en grève. Quand vous n’avez plus goût à rien, hébété à l’idée de seulement imaginer ressentir une sensation. À ce moment, enfin, j’aurais pu comprendre tout ce que j’avais perdu en tentant de jouir de tout mon temps.

J’ai eu beau prier, j’ai eu beau chercher, je n’ai jamais retrouvé le sommeil. Mais je n’ai jamais pu non plus apprendre à m’en passer. Mes souvenirs déjà me semblent appartenir à des rêves où le monde ne serait pas estompé, dilué dans les heures supplémentaires de veille que j’avais si chèrement acquises. Et la réalité finit par me quitter, comme tant d’autres avant elle.

Histoire de famille évolutive

À trois ans :

Ton papa et ta maman se sont rencontrés il y a quelque temps, ils se sont tout de suite aimés très très fort, tellement fort qu’ils ont voulu faire un enfant ensemble : toi. Pour ça, ils se sont fait beaucoup de câlins tout nus, ce que toi-même tu ne dois pas faire, même si tu aimes très fort les gens. Malheureusement, il arrive que, même quand elles s’aiment, les grandes personnes changent et finissent par ne plus s’aimer (rassure-toi, elles aiment toujours leurs enfants de la même manière) et ton papa et ta maman se sont séparés quand tu étais tout bébé. Ton papa est parti tellement loin qu’il ne peut pas venir te voir.

À dix ans :

Ton papa et ta maman se sont rencontrés chez des amis communs, et à force de se voir et d’apprendre à se connaître, ils sont tombés amoureux. Au bout de quelque temps et beaucoup de câlins (on appelle ça faire l’amour, mais tu as tout ton temps avant d’essayer), tu es arrivé. Pendant que ta maman était enceinte, ton papa a rencontré une autre dame qu’il a aimé plus fort que ta maman, et tes parents se sont séparés. Ton papa est parti tellement loin avec cette autre dame qu’il ne pouvait pas venir te voir.

À vingt ans :

Tes parents se sont rencontrés sur meetic, ils étaient tous deux célibataires et il arrive que les sites de rencontre marchent. Ça a plus ou moins été le cas. Quand ta mère, suite à un oubli de pilule et une capote craquée, est tombée enceinte, ton père s’est fait la malle avec une autre poulette qu’il voyait aussi. Il n’a plus donné de nouvelles.

À quarante ans :

Ta mère était escort de luxe sur un site, ton père devait certainement avoir assez d’argent pour se l’offrir. À cause d’un oubli de pilule et d’une capote craquée au mauvais moment, ta mère s’est retrouvée enceinte de toi. Elle n’a jamais réellement su qui était ton père mais elle a réussi à convaincre un de ses vieux beaux réguliers que tu étais de lui. Elle a promis son silence en échange d’un paquet d’argent, ce qui explique la “pension” qu’elle recevait pour s’occuper de toi. C’est peut-être pas très glamour comme histoire, mais si tu avais vu ta mère à cette époque, crois moi, elle valait vraiment l’investissement…

Migration

Envie de grands espaces, envie de renouveau, envie d’un petit coin un poil plus personnel. Prendre la route avec un bagage, quelques centaines de textes déjà écrits à transporter, un par un, vers leur nouvelle demeure. En laisser quelques uns sur le carreau, au bout du compte ils ne valent peut être pas une minute de copier/coller et mise en page. Pas si terribles que ça après tout.

Voilà d’où je pars, prête à conquérir mon nouveau territoire. Je garde la formule (je rédige des textes sur demande dès qu’on me fournit un thème), je m’octroie des libertés. Envie de tester, de bidouiller, de prendre mes aises. En espérant que l’inspiration me suive… Et vous aussi, lecteurs (plus ou moins) assidus, de passage ou de la première heure, si par le plus grand des hasards les lieux vous plaisaient.

Rien de définitif encore, je m’installe petit à petit, il est probable que j’aménage le site au fur et à mesure, jusqu’à enfin me trouver bien dans mon nouveau chez-moi…

Changement de nom également, de l’impersonnel Haku, je deviens l’oiseau-lyre, plus chargé de sens à mes yeux.

Bref, j’espère que les anciens continueront de me lire, que de nouveaux lecteurs s’égareront par là et qu’on écrira ensemble de belles histoires…

Qui saura ?

Tire. Mais tire, bordel ! Finis les états d’âme, t’as pas compris? C’est eux ou nous. Eux ou nous, tu comprends ça? Pour ma part, j’ai pas envie d’y passer maintenant. Je sais bien qu’à proprement parler, ils ne nous ont rien fait. “Si ce ne sont eux, ce sont donc leurs frères”. Et ne me dis pas qu’ils sont fils uniques, je connais mes classiques ! Il ne s’agit pas de ce qu’ils ont fait, non. De ce qu’ils nous feront si tu ne les tues pas. Tu captes, ça?

Mais que font-ils en face? On dirait qu’ils hésitent. Qu’est-ce qu’on fait, les gars? Je sais que les ordres sont de tirer. Mais ils tirent plus en face. Ça me gène un peu de tirer sur des mecs qui se défendent pas, sans même parler de nous attaquer. Bien sûr que je veux pas attendre qu’ils nous canardent. Mais là, c’est un peu rude, non? Qui le saura, qui le saura?! Moi, bien sûr. Je saurai que j’ai tiré sur des mecs qui tiraient plus, là ! Et vous aurez beau dire, je sais que ça vous hantera tout pareil que moi. Et alors? Et alors?! Les ordres, oui, je sais ! Et vous, vous en faites quoi des ordres en ce moment? Vous tirez pas non plus, que je sache…

Bon, t’as fini tes conneries maintenant? T’as eu de la chance qu’ils se soient pas enflammés direct de l’autre côté. T’as la chance de m’entendre encore te hurler dessus ! Si tu tires pas dans deux secondes, c’est le conseil de discipline. Et eux te rateront pas, crois moi.

Toujours rien. Me paraissent bizarres mais après tout, sont peut être lassés de tirer sur tout ce qui bouge. P’t’êt’ qu’ils réfléchissent aussi. P’t’êt’ qu’ils en ont marre de suivre les ordres sans se poser de question. Bon, vous faites ce que vous voulez les gars. Moi, ok, je reste en alerte, ok, je les ai à l’œil dans le viseur, mais je vais pas buter de sang froid des mecs comme nous qui tirent pas. Et si y a personne pour remonter l’info, qui le saura en haut combien on a croisé de mecs, combien on en a tué et combien on en a laissé partir parce que c’est pas des putains de lapins ! Quelqu’un y voit à redire? Ok, on attend la suite des évènements et on se la ferme. Ça va à tout le monde?

C’est pas possible, on est pas aidés avec des gens comme toi… Et eux, là, ils font quoi? Tu comptes attendre qu’ils aient fini leur café pour te réveiller plein de trous? Ça suffit, file moi ton arme. Sans faire d’histoire, je voudrais pas rentrer seul ce soir. Parfaitement, tu as bien entendu. Ça au moins ça monte jusqu’au cerveau. Tu vois le tableau, maintenant. On n’est que deux. Tu meurs au combat, je suis le seul témoin. Eh ben, tu piges quand tu veux. Et tu me files gentiment ton fusil. Voilà.

Bon, ben ça, c’est fait. T’as vu, avec vos hésitations à la con? Z’étaient pas super réactifs à force de tortiller autant du cul. Si c’est eux qui avaient ouvert le feu plutôt que moi, on serait plus là pour en parler. Tu me refais plus jamais ce coup-là et tu t’en sortiras peut être. Je vais mettre ça sur le compte d’une quelconque naïveté liée à l’âge et on oublie. Mais réfléchis encore une fois avant d’exécuter un ordre et tu seras aussi raide qu’eux, parce que moi, je te le dis tout net, je réfléchirai pas.