Gaël

Mon Amour,

Vivre avec toi, c’est un tourbillon de joie au quotidien.

Vivre avec toi, c’est de la tendresse dès le réveil, nos deux corps qui se collent pour nous rendormir un peu, les câlins serre-fort, les grattouilles, la chair de poule dans la lumière matinale.

Vivre avec toi, c’est des rires égrenés tout au long de la journée : les petites danses quand tu t’habilles le matin, les bêtises et les farces même dans les moments les plus sérieux, les taquineries (jamais très méchantes mais tout est permis tant que c’est drôle), les gros yeux et les poings sur les hanches exagérés exprès, les blagues, les jeux de mots, les mimes, les embuscades pour de faux et les fous rires pour de vrai.

Vivre avec toi, c’est des surprises, de la poésie et de l’amour dans les tout petits gestes : tronçonner une branche de cerisier en fleurs plutôt que de m’offrir un bouquet de chez le fleuriste, cacher un CD comme cadeau au milieu de paquets de pâtes, nous acheter le même livre sans faire exprès en pensant à l’autre, réparer et restaurer des objets qui me plaisent, faire le plein de céréales avant de partir en weekend…

Vivre avec toi, c’est partager avec tendresse toutes nos lubies, anciennes ou récentes : Pour toi, bouturer, planter, semer tout ce qui pourrait pousser, la photographie en panoramique, au fish eye, au macro, le travail du bois au rabot, au tour à bois, à la dégauchisseuse, à la scie à chantourner, les brocantes, les cailloux, les papillons, les coquillages… Moi, tu m’as vue faire du théâtre, de la danse, du théâtre, du yoga, du théâtre, de l’écriture, du théâtre…

Vivre avec toi, c’est une confiance et une sincérité absolues, tant dans les petits jeux du quotidien que dans les grands séismes qui ont fait trembler notre couple. Sans trop penser à demain, nous avions une fois sereine en notre amour.

Vivre avec toi, ce sont des conversations très animées à chaque repas : moi qui parle, toi qui hoches la tête, hausses les épaules, fronce les sourcils ou souris au bon moment.

Vivre avec toi, c’est une patience infinie, une aura d’amour, le regard pétillant, nos petites têtes de poulet quand nous étions complètement amoureux, des mots d’amour improbables inventés au gré des circonstances, toi le jardinier de mon cœur.

Vivre avec toi, c’est pouvoir chanter ma vie comme une casserole, danser autour de toi comme un rituel à chaque début de vacances.

Vivre avec toi, c’est des bouts de “je t’aime” semés partout dans la maison : un livre que tu as fini mais pas encore rangé, le coussin tassé à la forme de ton dos, le linge étendu, mais à la va-vite parce que tu détestes ça, un bol de céréales terminé qui attend dans l’évier, la maison parfaitement rangée quand je rentre de voyage avant que je ne laisse traîner mes affaires partout, des objets déplacés juste pour me faire rire, ton odeur sur la serviette de bain, le T-Shirt posé à côté du panier pour me faire râler, les tomates cerises patiemment plantées, des fleurs partout dans le jardin, et une caisse de bourgogne gentiment déposée en vue dans mon bureau.

Mon Gaël adoré,

Nous avons vécu toute une vie de bonheur, de joie et d’amour condensée en 11 ans et 11 mois.

Tu as illuminé ma vie de ta force tranquille.

J’ai une chance inouïe d’avoir partagé les trois quarts de ma vie d’adulte avec toi et je sais, comme un trésor caché au fond de mon cœur, que tu étais profondément, immensément heureux, jusqu’à la toute fin, jusqu’à ce que la Mort vienne te faucher dans mes bras.

Mon Amour,

Nous avions encore tant à vivre ensemble et j’aurais tant à te dire, mais j’imagine d’ici ta fatigue à m’entendre blablater pour la énième fois ce que tu sais déjà : la vie avec toi est douce et belle et joyeuse.

Je termine sur une promesse, parce que celle-ci compte plus que tout pour toi : Aussi dur que ce soit pour moi, je te promets de continuer à vivre, à rire, à voir la beauté du monde dans de petits détails, à partager les curiosités, l’inattendu, de bons repas, de bonnes bouteilles, à apprendre, toujours.

À t’aimer de tout mon être.

À être heureuse dès que l’occasion se présente.

Et cette promesse, je compte sur vous, mes amis, pour me donner la force de la tenir.

Les yeux fermés, le cœur ouvert

Mes yeux plantés dans les tiens, la gorge serrée, je te parle. Les mots s’écoulent lentement, difficilement. Chacun d’eux est comme un aiguillon planté dans ton cœur. Malgré la peine que je te fais, tes yeux noyés de larmes et pourtant si clairs me permettent de poursuivre. De lancer les mots-poignards avant qu’ils ne deviennent mots-poisons. Et seule la certitude que tu pourras les contrer, que tu sauras cicatriser, me donne la force de continuer la purge, de combler le fossé creusé par l’érosion au fil des années.

La confiance, c’est de m’abandonner dans tes bras, yeux fermés, et de te laisser chambouler mon équilibre sans chercher à me retenir,

La confiance, c’est à la fois te suivre et te guider, sans savoir où on va,

La confiance, c’est te laisser faire les choses à ta manière, me reposer sur toi,

La confiance, c’est fermer mes yeux dans la pénombre et les pièges d’un mardi soir et être sûre qu’il ne m’arrivera rien de fâcheux,

La confiance, c’est mes doigts à deux centimètres de tes aisselles ou du creux de ton aine, et ne pas te chatouiller,

La confiance, c’est m’enivrer à tes côtés, parler sans filtre, rire trop fort et toujours compter sur toi pour prendre soin de moi,

La confiance, c’est te dire mes blessures et mes espoirs, mes fêlures et la poussière d’or qui pourrait les embellir,

La confiance, c’est me montrer, l’âme nue, sans artifice, sans maquillage, et avoir la certitude que tu m’accueilleras toute entière, peu importe ce que tu découvriras,

La confiance, c’est enfin de savoir que tu peux tout entendre, que je n’ai pas à me cacher de toi, aussi douloureux que soient mes mots à tes oreilles et à ton cœur…

Pour un rock avec toi

Pour un rock avec toi, je serais prête à arrêter le chocolat pendant deux semaines, courir un dix kilomètres, ne pas sortir pendant un mois, faire une nuit blanche en pleine semaine, marcher pieds nus sur des graviers, dormir une nuit avec un moustique affamé sans essayer de le tuer, faire la vaisselle à la main pendant six mois, allumer un cierge dans une église, manger en entier un yaourt de soja sans faire de grimace, demander mon steak “bien cuit” au restaurant, écouter en exclusivité l’album de Samy Naceri, passer un week-end au Mans, me prendre une cuite au rhum-orange, m’habiller en rose bonbon et rouge pétant ou essayer le parapente.

Je ferais tout ça et plus encore pour que tu aies la force de sauter sur tes guibolles, d’enchaîner les passes en gardant le rythme et l’équilibre, de me faire virevolter comme au temps de notre rencontre. J’accepterais sans hésiter de ralentir le tempo, de passer au blues ou au slow, voire de revenir à la valse écossaise pour retrouver notre connivence sur la piste de danse.

Et s’il faut attendre que tu t’étoffes un peu, que tu reprennes tes marques dans la foule, ou tout simplement que tu aies envie de m’accorder le prochain morceau, et bien j’attendrai. Pour danser à nouveau avec toi, je serai patiente comme jamais encore.

Auprès de ton arbre

Je t’offre un arbre, plus petit que toi encore, à planter ensemble dans mon jardin. Un tout petit arbre, perdu au milieu des marguerites comme tu l’es au milieu des hautes herbes. Un arbre qui grandira et s’épanouira en même temps que toi, sur lequel tu pourras compter les saisons. La floraison au printemps, puis la feuillaison ; le changement de couleur des feuilles, du vert à l’ocre ; la perte des feuilles dans le vent d’automne pour avoir des branches nues tout l’hiver. Et recommencer ainsi chaque année.

Un arbre immobile mais non immuable, qui t’attendra devant chez moi pendant que tu découvriras le vaste monde. Un arbre auprès duquel revenir régulièrement, pour lui raconter tes aventures ou rester contemplative sous ses fleurs-papillons. Un arbre autour duquel courir et exploser de vie pendant que petit à petit il s’enracine profondément. Un arbre pour enchanter tes sens à l’âge où un rien t’émerveille. Un arbre à croissance lente, pour nous apprendre la patience dans ce monde à grande vitesse.

J’en prendrai soin pour toi, de ce petit arbre. Je l’arroserai avec amour, je veillerai à lui laisser de la place, j’élaguerai ses branches mortes, je traiterai ses infections, éliminerai ses parasites pour que tu aies la joie un jour de pouvoir t’abriter sous ses branches colorées. Je le chérirai pour les souvenirs qu’il gravera en toi, avant que tu n’imprimes ta marque sur lui.

J’espère qu’avec le temps, tu prendras plaisir à t’occuper de lui, toi aussi. Que tu diras, la voix bien fière devant tes amis, que cet arbre a ton âge et que tu l’as planté quand tu étais haute comme trois pommes. Que tu sauras que tu es la bienvenue chez moi, seule ou accompagnée, pour deux heures ou deux semaines. Et qu’il te donnera l’envie de jardiner, de permettre à la vie de pousser autour de toi.

Je t’offre un arbre aujourd’hui pour te dire que je crois en demain.

Il nous restera ça

La recette des bugnes et des pets de nonnes rangée dans mon classeur de recettes. Un cahier de mots croisés force 3-4 que tu n’auras jamais ouvert et que je n’ai pas eu le courage d’entamer. Ta photo souriante sur le bord de mon bureau. Ton inébranlable foi en l’amitié, les regrets pour la famille qui se déchire et part à la dérive. Un très joli service à thé, un pot à eau kitschissime, une poubelle de table un peu vieillotte, un contrat prévoyance. Un garage plein de meubles à récupérer, qui habilleront ma nouvelle maison et repartiront pour un cycle de vie. L’envie de te parler de ma vie, de te faire quelques blagues auxquelles tu aurais ri discrètement, faisant semblant d’être choquée – si tu t’étais vue si austère dans ton cercueil, arrangée comme un parrain de la mafia, je te jure que tu aurais ri. Le goût du Pastis et les boites d’apéro. La paix retrouvée après avoir abandonné la bataille, te sachant entourée, une dernière fois. L’approbation muette ou l’incompréhension face au brouhaha de la vie qui dérape. Une collection de poupées, souvenirs de vos nombreux voyages. La soif d’indépendance, la force tranquille, et puis la solitude face à tes deuils en cascade. Les assiettes remplies et re-remplies pour témoigner de ton amour, toi qui n’as jamais beaucoup usé des mots. Les billets glissés dans les boîtes de chocolat, pour nous rappeler qu’aussi grands qu’on soit, on n’est jamais pour toi que des gamins. L’image de ta poitrine découverte dans cette chambre d’hôpital, l’impuissance face à ce corps qui trahit et refuse d’obéir, puis la tranquille indifférence face à ces tracas matériels quand tu as senti qu’enfin c’était à ton tour de tirer ta révérence. Le courage de mener à bien ce qui doit l’être, de manière très pragmatique, sans chercher à savoir ce qui “se fait” ou pas. Le timbre de ta voix, un haussement d’épaules, le menton marshmallow que nous partageons déjà. Quelques chansons qui me font rire et pleurer à la fois, tant elles me font penser à toi. La gratitude envers cet employé des pompes funèbres qui a su ramener la solennité et te rendre à nouveau familière pour nous, au milieu de cette étrange journée où il me semblait qu’on parlait d’une grand-mère de conte de fées. L’envie furieuse de taper à la machine ou au clavier. Il nous restera ça. De toute une vie, il me restera ces souvenirs qui rejaillissent à l’improviste. L’impression de comprendre enfin ce que j’avais déjà entendu mille fois. Même si tu es morte, tu ne m’as pas quittée. Je partage encore ce quotidien à distance, cette relation en pointillés. Il me restera toi, dans un coin de mon cœur ou perchée sur mon épaule, pleine de sérénité en me regardant m’épanouir.