Tenir sa fourchette, d’une seule main. Mettre dessus en équilibre plus ou moins stable un peu de nourriture. Monter le tout, lentement ou au contraire très rapidement, jusqu’à sa bouche. Ouvrir celle-ci et calculer la trajectoire exacte de la main pour que la fourchette entre dans la cavité ainsi créée au moment où elle est la plus grande. Refermer la bouche, attraper les aliments déposés sur la fourchette sans en oublier et ressortir la fourchette. Bien mastiquer, penser sa respiration pour qu’aucune particule de nourriture ne puisse passer dans les voies aériennes. Avaler lorsque la bouchée est réduite en morceaux assez petits.
Recommencer, à chaque fois, doser précisément la force exacte nécessaire à chaque étape, la juste trajectoire, le geste adapté. Finir son assiette en s’aidant de son couteau ou sa cuiller (attention à bien coordonner ses deux mains). Et c’est le même manège trois fois par jour.
Se nourrir, un geste simple, banal, habituel et nécessaire. De notre point de vue. Mais pour Gustave, nonagénaire, et Myriam, deux ans et demie, cette expérience mobilise toute leur concentration. Dans le cas contraire, l’accident arrive vite, avec des conséquences différentes mais au final, la même frustration.