Des pauses et un lapin

Ce matin, tu t’es levée un peu plus tard qu’avant. Depuis quelques mois, tu dors un tout petit peu mieux. Tu as moins à courir, il n’y a plus d’heures de pointe, tu n’as plus peur des retards. Et tu peux finir ton café devant ton écran quand tu n’as pas de réunion trop matinale. Tu as un peu moins de cernes. Même si les visios et la solitude sont usantes, elles aussi.

Ce matin, tu n’attends pas le bus à l’arrêt au coin de la rue, en train de pester contre ces chauffeurs qui passent en avance et te font rater ton bus quand tu es à l’heure, toi. Tu n’arrives pas in extrémis au bureau, tu ne baisses pas les yeux devant ton chef, qui lui les lève sur l’horloge. Tu n’as pas non plus la pause de 10h15 avec les collègues, l’ambiance qui s’allège pour 7 min de blagues, d’anecdotes sympathiques ou de bons plans pour le week-end. Tu n’as pas les sourires complices de ta voisine de bureau quand tu bailles à t’en décrocher la mâchoire sur le coup des 11h30.

Ce midi, tu manges ta popotte dans la cuisine au lieu de le faire à la cafèt. C’est tout aussi bon, mais moins convivial. Tu n’échanges pas tes recettes avec les collègues de l’équipe d’en dessous. Pas d’invitation pour un barbecue samedi non plus. Et tu n’auras aucun renseignement sur les dernières sorties ciné. Mais tu échanges quelques messages avec les différents groupes d’amis, quelques photos détournées, des gifs animés qui te font rire toute seule, et puis tu vas étendre ta lessive avant de te remettre au travail.

Comme d’habitude, l’après-midi tire en longueur. Il y a des choses qui ne changent pas, l’après-midi paraît toujours plus long. Pour le couper un peu, tu vas prendre l’air dans le square en bas de chez toi, juste quinze minutes pour te remotiver et t’aider à tenir jusqu’à la dernière réunion.

Ce soir, tu ne cours pas pour attraper le bus de 18h13. Tu ne traverses pas à la va-vite avant que le petit bonhomme ne devienne rouge. Tu ne te fais pas percuter par la camionnette qui tourne à droite et a oublié la priorité piétons en voyant le feu passer à l’orange. Ce soir, tu n’es pas morte ; à peine une pointe d’angoisse inexpliquée à l’heure de ton rendez-vous manqué avec la faucheuse, alors tu appelles ta sœur pour papoter un peu avant d’aller te faire cuire des capellettis aux aubergines.

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