Emergency exit

L’avion n’est pas tombé. Aucune catastrophe à déplorer, ce n’est pas encore cette fois que je me servirai des masques à oxygène ou du gilet de sauvetage. En même temps, le gilet de sauvetage -dont la loupiote s’allume automatiquement au contact de l’eau- a une utilité toute relative lorsqu’on survole les Alpes.

L’avion n’est pas tombé, il s’est posé tout en douceur -enfin, ça aussi c’est relatif, on sent quand même bien la bitume sous les roues de l’engin quand elles touchent le sol- et on a même applaudi le pilote -qu’était vachement sympa et nous a prévenu que le Mont-Blanc était sur notre droite au moment où c’était le cas. Enfin, pas moi, évidemment. Je ne prends pas l’avion pour applaudir le mec dont le métier est de nous mener à bon port -si possible- en un morceau. Ou alors, je passerai mon temps à applaudir. Par exemple quand le bus ne me renverse pas alors que je traverse juste devant lui pour l’obliger à s’arrêter. Ou quand le cuistot tue bien toutes les salmonelles en cuisant sa viande correctement et en respectant la chaîne du froid.

Tout ça pour dire que l’avion ne s’est pas écrasé. Il n’a même pas traversé une petite zone de turbulences. Tout s’est déroulé sans accroc. Mieux que ça, d’ailleurs. Ce vol était tout simplement idéal. Paysages superbes, vol au dessus des nuages avec option soleil rasant pour une lumière exceptionnelle. L’hôtesse s’est même excusée de nos dix minutes d’avance à l’arrivée. Et tout le monde a rigolé. Un vol parfait, je vous dis.

Vous l’aurez compris, l’avion n’est pas tombé. Je ne suis pas morte, dans le coma ou tétraplégique. Je ne suis pas traumatisée, mon monde ne s’est pas effondré à cause de vraiment pas de chance. Je n’ai même pas le bras cassé, la cheville foulée. Je peux remballer mon “débrouillez-vous sans moi” et gentiment réintégrer ma vie. En tirant un peu sur les côtés, ça devrait passer tout seul. Et vous savez, c’est du cuir, ça se détend toujours, à la longue, et ça finit par s’adapter.

L’avion n’est pas tombé. Pas d’excuse pour sécher. Pas de pause forcée. Pas de regrets éternels. Ou temporaires, d’ailleurs, j’suis pas très à cheval sur les principes. Pas de souvenirs qui défilent à toute vitesse, pas de lumière blanche au bout du tunnel, pas de grande illumination mystique. Seulement des manches à retrousser, une thèse à rédiger, des décisions à assumer, une histoire à avancer. Une vie à vivre, bordel. Et plus d’avion à faire tomber pour tenter de m’échapper.

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