Le casque vissé aux oreilles, le son au maximum tolérable par mes oreilles plus toutes jeunes, je me protège de l’agitation ambiante à grands coups de musiques-doudous. Les yeux scotchés à un livre dévorent avidement les chapitres et m’emportent loin des trains de banlieues, des correspondances, des métros bondés.
La playlist aléatoire me propose une chanson qui me ramène quinze ans en arrière. Je me retrouve adolescente, revenant de la plage en jupe et les Doc’s aux pieds. Un instant plus tard, je me revois écouter frénétiquement la même chanson le jour où j’ai appris la mort du chanteur. Puis le cœur sautille quand la chanson suivante me rappelle pêle-mêle le mariage d’amis proches et d’excellents trajets sur la route des vacances. Je replonge dans mon livre, sourire aux lèvres puis ralentis brusquement vingt minutes plus tard. Je me sens revivre la deuxième écoute de la chanson qui passe, il y a à peine quelques semaines, déjà grâce à ce casque à l’acoustique extra, en sortant du cinéma sous un ciel étoilé et en marchant à contre-courant d’une petite foule pendant quelques instants. Puis je me revois l’entendre pour la première fois à la radio et tout arrêter pour l’écouter et la retrouver. Involontairement, je suis à deux doigts de pleurer sur un autre morceau : trop de souvenirs d’enfance y sont associés qui s’emmêlent tandis que le train arrive en gare. Alors que je marche d’un bon pas pour rentrer chez moi, le visage d’un ex s’impose en écoutant un groupe qu’il m’avait fait découvrir. Je nous revois danser sur une chanson, je me rappelle d’un concert où j’ai finalement vu le groupe en question et leur interprétation magistrale de la chanson qui passe.
Je suis arrivée, j’éteins mon lecteur MP3 et referme mon livre, en n’oubliant pas de les remercier de m’avoir fait voyager dans le temps et l’espace et d’avoir si bien allégé mes deux heures de transports routiniers.