Un jour à la fois

Bises, poignées de mains, accolades. Je ne m’appartiens plus. Mon corps devient public, je l’apprête consciencieusement pour que des centaines de personnes aient envie de le toucher. Je souris de toutes mes dents, preuve tangible de mon goût prononcé pour les bains de foule. Tout mon corps simule le plaisir pour susciter l’engouement, remercier l’admirateur qui se donne du mal pour effleurer une épaule, un bout de main, un coin de torse, une mèche de cheveux. Je prends garde à ce que même mes yeux rient sur les centaines de portraits enchaînés, mal cadrés, un peu flous, forcément, à mon image.

Je rentre chez moi, un peu trop tard à mon goût, les oreilles bourdonnant encore des conseils, plans de bataille et autres briefings autour d’un bout de fromage, d’un verre de Romanée-Conti. Je prends une douche, longue et brûlante. Je laisse couler l’eau chaude sur mon visage, vaine tentative pour me noyer ou m’oublier. J’estompe à grande eau les lumières, les applaudissements des milliers d’ahuris scandant mon nom sans aucun recul, prompts à réagir à une intonation de voix, une musique rythmée ou au bruit de leurs voisins. Je me masse les maxillaires, noués à force de crisper les mâchoires entre deux sourires automatiques.

Avant d’aller me coucher, j’écoute le silence de la maison endormie, nu sur le fauteuil en cuir de la bibliothèque, dans le noir total. J’apprécie la fraîcheur de la nuit bien avancée, libéré de tout costume-cravate, de tout contact impromptu. J’ose enfin me réapproprier mon corps, attentif à mes cheveux humides qui me donnent la chair de poule, aux picotements de mes yeux fatigués, à la douleur sourde dans le bas du dos que je m’efforce d’ignorer lors des heures que je passe debout chaque jour. Je frictionne mes mollets et malaxe la plante de mes pieds, concentré sur mes sensations, pour terminer la journée sur une note positive. Puis, enfin soulagé, rasséréné, je rejoins le lit conjugal et me blottis délicatement contre la peau toute chaude de ma femme endormie. Sans se réveiller, elle soupire légèrement et réajuste son corps au mien. Enfin à ma place, je plonge tête la première dans le sommeil, sans avoir le temps de penser que demain sera bien trop semblable à aujourd’hui.

Pimprenelle et Nicolas

Assise presque face à lui, sac à dos posé aux pieds, je le regarde dormir. D’abord sommeil léger, crispé, bras croisés et bouche fermée. À mesure que défilent les gares, le buste s’affaisse, la tête dodeline jusqu’à tomber, pendante, au-dessus de l’épaule, rouler menton en avant. Peu à peu, la respiration se fait profonde.  Il y a de la mollesse dans ce corps qui s’abandonne sous mon regard.

Un TGV arrive en sens inverse et klaxonne. Tel un animal acculé, dos au mur, les paupières s’ouvrent brusquement, pupilles dilatées, le corps se tend, l’œil cherche un danger. Ne voyant que moi, impassible gardienne, il s’autorise à replonger dans le sommeil, bouche entrouverte et souffle régulier.

Dans la grisaille et le ronron du train, je ferme à demi les yeux. J’espère le rejoindre au pays des rêves.

Blâme !

Astaroth attend depuis trois jours dans l’antichambre de Satan. Il a répondu instantanément à sa convocation et attend depuis le bon vouloir du patron. De l’autre côté de la porte, pourtant épaisse, il devine des cris de colère et des supplications. Sans trembler de peur pour autant, Astaroth évite de bouger, de tousser ou de respirer pour ne pas attirer l’attention sur lui pour l’instant. Le résultat serait comique si Astaroth n’était pas entouré par son odeur pestilentielle, lovée autour de lui comme un nuage au sommet d’une montagne.

Cinq heures plus tard, la porte s’ouvre sur Satan, qui, d’un regard blasé, invite Astaroth à entrer. Celui-ci obtempère d’un pas alerte tout en essayant de se faire oublier ; Satan étant réputé colérique, autant faire profil bas sans passer pour un mollasson. Une fois dans l’antre du grand manitou, Astaroth patiente debout, en silence, et en profite pour jeter un coup d’œil au bureau du boss. Qui, étrangement, ressemble à n’importe quel bureau de n’importe quel chef. Des trieurs métalliques fermés à clé. Un immense bureau de bois verni couleur acajou, vide à l’exception des traditionnels sous-main (représentant la carte des Enfers), coupe-papier (en véritable ivoire de licorne) et tasse de café (enfin, Astaroth suppose que c’est du café). Un fauteuil de bureau très imposant, à défaut d’être confortable, côté Satan. Rien, pas même un tabouret, côté visiteur convoqué. Aucune décoration sur les murs en mortier et vieilles pierres, que l’on devine épais. Un chandelier qui descend du haut plafond, aux dizaines de lueurs tremblantes. Une cheminée dans laquelle entreraient sans problème deux bœufs et leur charrue, où dansent des flammes immenses dans un raffut de tous les diables et devant laquelle s’étale une peau de mammouth laineux.

Le temps qu’Astaroth termine son inventaire, Satan n’a toujours pas dit un mot. Il guette. Sitôt qu’Astaroth croise son regard, honteux de s’être abandonné à la curiosité, Satan ouvre le bal.

– Sais-tu pourquoi je t’ai convoqué, Astaroth, plus de dix siècles après notre dernière entrevue ?

– J’y pense depuis mon arrivée, mais je n’ai pas de réponse, Seigneur. J’imagine que vous voulez un bilan de mon activité sur cette période pour discuter de l’éventualité d’une promotion…

Grognement indistinct de Satan, à mi-chemin entre le rire et l’éructation.

– J’ai déjà mon bilan de ton activité de démon, Astaroth. Comment crois-tu que je connais ton nom, crois-tu que j’aie besoin de toi pour me faire une idée de ton zèle ? Non, n’ouvre pas la bouche, je n’ai pas non plus besoin que tu me répondes pour dialoguer avec toi. Des hochements de tête suffiront, et puis tu éviteras d’empuantir mon bureau plus que nécessaire. Astaroth, tu étais un bon démon. Tu as beaucoup œuvré pour le chaos, en offrant aux hommes tes prophéties sur l’avenir. Tu as rétabli la vérité sur les anges, exposant méticuleusement leurs bassesses et leurs fautes, semant la confusion dans les esprits. Tes légions ne tarissent pas d’éloges sur tes compétences de commandant. Tu ne recules devant aucun danger, tu sembles ignorer la peur et tu ne t’adonnes pas au sadisme, penchant superficiel qui altérerait ton jugement. Non, toi, tu es dans le genre efficace, pas passionné. Et pourtant, te voici, debout face à moi, dans mon bureau devant lequel je t’ai fait patienter trois jours et demie. Je vais effacer sur-le-champ le sourire qui menace de monter à ton visage, tu risquerais de t’enlaidir encore. Tu n’es pas bête, tu te doutes que tout ce décorum, ce n’est pas pour te féliciter. Tu as dû noter l’emploi du passé au début de ma tirade. Alors oui, pendant quelque temps, j’ai été satisfait de toi. Et puis quoi, quelques siècles sans surveillance, et que vois-je ? Tu as changé Astaroth. Tu es toujours aussi laid, tu pues toujours autant, mais pour le reste, tu es plus… modéré ? … avenant ? … drôle ? … compréhensif ?

À chaque épithète, Satan foudroie le démon qui, sans oser baisser les yeux, lutte contre le rouge qui persiste à lui monter aux joues. Cramoisi, il sent la sueur lui dégouliner sur les tempes et le long de l’échine. Après une pause juste assez longue pour laisser Astaroth se décomposer, Satan poursuit.

– N’oublie jamais quelle est ta place, Astaroth. À trop côtoyer les mortels, à tout connaître de chacun d’eux – leur passé, leurs pensées, leur avenir et leurs secrets les plus intimes- tu serais tenté de les croire singuliers. Tu voudrais les aimer. Partager leur complicité. Tu voudrais te rapprocher de certains, que tu juges attachants, sur des critères très certainement recevables. Les appréciant, tu chercherais presque à te faire aimer d’eux. N’essaie pas. Je te le dis une fois, je ne le répéterai pas. CE N’EST PAS TON RÔLE. Tu n’as pas à te mêler aux humains. Ni à tes subordonnés, d’ailleurs. Ta fonction est d’augmenter l’entropie de l’univers. D’accélérer l’avènement d’un désordre nouveau. Tu as une arme parfaite pour agir à ton échelle, l’esprit humain. Tu y déverses la connaissance à l’état brut. Point. Tu introduis le doute et une part de hasard dans les actions humaines. C’est primordial. Mais tu ne peux pas être aimé. Tu ne peux pas être compris. Tu dois rester inaccessible pour mener à bien ta mission. Qui prendrait au sérieux un démon sympa ? JE NE VEUX PAS D’UN DÉMON SYMPA. Tu ne peux pas non plus te tourner vers tes soldats pour être apprécié. Tu dois les commander. Tu dois quand il le faut leur donner le fouet ou les envoyer à la mort. Tu dois faire des exemples et récompenser l’obéissance. Tu ne peux pas avoir de relations parmi les soudards. Tu peux te faire admirer, à la rigueur, mais tu dois susciter une admiration ambivalente. Il faut que chacun de tes officiers aie envie de prendre ta place. Il te faut rester sur tes gardes. Tu dois inspirer la crainte autant que le respect. Tu ne peux pas te permettre d’aimer, Astaroth. Personne. Pour être compétent, tu dois rester seul. Aux Enfers et sur la Terre. À jamais.

Stoïque, Astaroth refoule une larme prête à le trahir. Il déglutit, espérant ainsi calmer le yoyo qui secoue sa pomme d’Adam. Tant bien que mal, il garde contenance et hoche la tête. Satan sourit. De toutes ses dents.

– Je vois que tu as compris le message. Je te laisse libre de tes méthodes, libre de ta forme (tu étais pas mal à tes débuts sous forme féminine). Comme c’est ta première incartade et qu’il n’y a pas eu de dégâts, je choisis de te faire confiance. Mais je te laisse l’odeur pour que tu ne t’oublies plus. Et dis-toi bien que je ne veux plus avoir affaire à toi. Jamais. Je ne te raccompagne pas, tu connais le chemin. File avant que je ne change d’avis.

Une fois la porte refermée sur un Astaroth soulagé mais anéanti par la perspective d’une éternité de solitude, Satan s’affale au coin du feu. En position fœtale sur la peau de mammouth, entre de violents sanglots, Satan se répète les points clé de sa semonce. “Tu ne peux pas te permettre d’aimer, Satan. Personne. Tu dois rester seul. Aux Enfers et sur la Terre. À jamais.”

Si j’étais un homme

Si j’étais un homme, il est probable que, petit garçon, j’ai grandi absolument certain de mon importance, bercé par le regard admiratif de ma mère.  Qui serais-je devenu dans ces conditions ? Où seraient passées ma rage et ma soif de justice ? Quelle détermination aurais-je eu à avancer malgré tout, à me tenir bien droit face à l’adversité ? Comment aurais-je développé mon empathie, formidable outil capable de prévoir les colères maternelles, de reconnaître les attentes de mes interlocuteurs et de m’adapter façon caméléon à toute situation ? Quelle culpabilité dévorante aurais-je ressenti à voir mes sœurs brimées pendant qu’on me traitait en petit prince ? Aurais-je eu seulement conscience de mes privilèges ?

Si j’étais un homme, je n’aurais peut-être pas été rappelé à mon physique aussi souvent. Je n’aurais pas gardé les yeux baissés dans la rue, toujours conscient des regards dans mon dos, me concentrant sur ma démarche pour ne pas balancer des hanches parce qu’à dix ans des gamins trouvaient drôle de comparer ma manière de marcher à celle d’une catin. Je ne serais peut-être pas à l’affût de toute situation anormale, quel que soit mon environnement; un bruit de pas précipités, une voix tendue, un silence pesant ne m’inquiéteraient pas plus que de raison. Ou peut-être que si, au contraire. Avec en tête l’image d’un justicier toujours prêt à s’interposer pour sauver une demoiselle en détresse, peut-être serais-je déjà dans une boîte, un couteau planté dans le ventre pour avoir cru que j’étais plus fort qu’une arme blanche.

Si j’étais un homme, dresserais-je si haut mes envies, le regard défiant quiconque de commenter la fréquence ou la qualité de mes relations ?  Sans personne pour me traiter de pute pour des amours légères, aurais-je couché autant, juste pour dire “merde” aux jugements de celles qui voulaient me garder en laisse ? Si j’étais plus libre de mes actes, sûr de mon bon droit, porterais-je ma liberté comme un étendard, ruant des quatre fers à l’entrée de chaque cage, fut-elle confortable ou séduisante ?  Un doute m’assaille : au masculin, trouverais-je un partenaire quand le désir me prend ou subirais-je mille frustrations ?

Si j’étais un homme, aurais-je le courage, la force de me faire une place dans le monde ? Aurais-je besoin d’occuper tant d’espace, de parler si fort, de rire en exutoire ? Pourrais-je être aussi franc, direct ou insistant, sans passer pour un connard, si j’appartenais déjà à la classe dominante ? Ne serais-je pas tenté de m’effacer pour compenser les excès de mon genre, m’excuser inconsciemment du comportement de certains de mes semblables ?

Au final, est-ce que j’aurais osé me comporter en homme si j’en avais vraiment été un ?

Cachot huit

Du noir de ma cellule me parviennent des hurlements. Ils me semblent assez près, peut-être la cellule attenante à la mienne, mais je n’ai pas de certitude, je suis désorienté. Et les hurlements ne cessent pas. Ils se font plus intenses, comme si la personne hurlait en apnée pendant de longues minutes. Puis se transforment en pleurs spasmodiques, en plaintes rauques, d’une voix prête à rompre mais qui gémit encore. Enfin, au bout de quelques heures, la voix s’épuise et le silence retombe. Le même noir d’encre m’entoure, à tel point que je ne sais pas si mes yeux sont ouverts ou fermés. J’ouvre grand mes oreilles et tente de percevoir un bruit de pas, un raclement, une voix, une toux. Le vent qui tempêtait lors de mon arrivée. Plus rien. Seul au monde, oublié dans ma cellule.

Je n’ai pas mangé depuis mon incarcération, j’ai soif, je pue la transpiration, mais personne n’est passé. Cette absence totale de sons m’oppresse plus que les hurlements de tout à l’heure. Nul signe de vie à part moi, et encore, j’en viens à en douter. J’essaie de me concentrer sur ma respiration, les battements de mon cœur mais je panique. Je ne me reconnais pas, rien de moi ne me semble plus familier, j’ai l’impression de m’entendre pour la première fois, ou de m’inventer des sons pour me rassurer. Peut-être que j’ai disparu et que je ne m’en suis pas encore rendu compte ? Je n’ose même pas parler de peur de ne pas entendre ma voix. Il faut que je focalise mon attention sur le passé, cet implacable présent m’engloutit et m’épouvante.

J’ai choisi le cachot N°8 pour y passer la semaine et je ne sais déjà plus depuis combien de temps je suis là. Une expérience de vie, une opportunité à saisir, j’étais enthousiaste à l’idée de mettre ma liberté entre parenthèses pour une courte semaine. À un moment de ma vie où je me sentais à l’étroit dans mon quotidien, lié par d’innombrables fils entrelacés à mon travail, mes factures, ma famille, je trouvais intéressant de retrouver la sensation de liberté pleine et entière que je ressentais plus jeune. Et quoi de plus approprié que la privation pour réapprendre la satiété ? D’anciens contacts, j’ai trouvé la piste de ces cachots gérés par une société discrète mais très présente dans certains milieux. J’ai signé pour une semaine de vacances complètement déconnectées (c’est la formule-type conseillée pour évoquer mon séjour carcéral à mon entourage), ne connaissant du “programme” que ma date d’entrée et de sortie.

En arrivant (hier ou depuis plus longtemps déjà ?), j’ai fumé une dernière cigarette, envoyé un sms “bien arrivé <3” à ma femme ; j’ai enfermé mes possessions dans un coffre-fort à combinaison, signé une décharge et j’ai souri à la personne masquée qui m’a pris en charge. Je n’ai même pas pris le temps de regarder une dernière fois le ciel par la grande fenêtre à croisillons avant de descendre au sous-sol. J’ai apprécié la descente au chandelles, les vieilles pierres, les marches inégales, l’odeur humide, l’écho de nos pas et mon guide qui ne décrochait pas un mot. J’ai quand même eu un moment d’arrêt, une boule dans le ventre quand, sous le N°8, j’ai distingué une très lourde porte, bois et métal, sans la moindre fente. Ni serrure, ni passe-plat, ni œilleton, rien. Seul un panneau de bois, d’une seule pièce, renforcé de métal aux jointures et au centre.

Mon guide s’était arrêté, il a ouvert la porte à l’aide d’une carte magnétique, m’a laissé entrer et est ressorti sans un mot en me laissant la chandelle. J’ai fait le tour des quelques mètres carrés qui allaient m’accueillir la semaine. Un matelas  et une couverture au sol dans un coin, des ombres sur les épais murs de pierre, traînées brunes non identifiées (j’ai préféré ne pas m’en approcher de trop près), un immense miroir au plafond dans lequel je me suis senti tout petit en levant les yeux.  C’est tout. Pas de toilettes, de lavabo, ni fenêtre ni soupirail (évidemment). Je n’ai pas non plus trouvé de système de ventilation, mais la flamme de la bougie tremblotait au sol, c’est donc que l’air circule, d’une manière ou d’une autre. Une vague odeur de détergent, un arrière goût minéral, mais aucune trace de la puanteur qu’on s’attend à sentir dans ce genre d’endroits. J’ai encore observé le miroir, hors de portée de main mais captivant. La lumière tremblante, les ombres dansant tout autour, le matelas désolé et moi, à l’envers, en simple blouse, assis en tailleur sur la couverture et me regardant dans le plafond. C’était apaisant.

Puis la chandelle s’est entièrement consumée. Et dans le noir, j’ai pensé qu’à aucun moment on ne m’avait expliqué le déroulement de ma semaine. Allai-je rester seul ? Comment allait-on me nourrir ? Où pouvais-je faire mes besoins ? Y avait-il des corvées, de l’exercice physique ? Je n’avais posé aucune question depuis ma réservation, soucieux de renvoyer une image décidée et ferme à mes interlocuteurs. À l’instant où j’ai compris que je n’avais aucun moyen de voir ce qui m’entourait, j’ai regretté cette manifestation d’orgueil mal placé. Et j’ai ri de ma stupidité, un peu rassuré en songeant que la semaine à venir m’apprendrait l’humilité et me redonnerait le goût de vivre ma vie (ou le courage d’en changer, pourquoi pas ?).

Dans les ténèbres qui s’éternisent, le hurlement a repris. Voix cassée, on jurerait les cordes vocales à vif, la terreur suinte dans ce cri qui n’en finit plus. Je me bouche les oreilles à deux mains pour tenter d’y échapper. La plainte s’amplifie, déformée. Je panique, me tape la tête au sol pour couvrir ce cri trop humain. Mais toujours retentit ce mugissement, directement dans mon cerveau. Je meurs de soif et j’ai un goût de sang dans la bouche. Attentif à ma douleur, je porte les mains à ma gorge. Elle est raide, tendons saillants et elle vibre. Elle vibre, émettant une note unique qui me glace le sang.