Avec flash – sans flash

Sans. J’allais bosser à reculons. Dès la sonnerie du réveil, un soupir me venait en pensant à la journée à venir. Les horaires imposés, les commérages, l’humeur fluctuante des collègues, sans compter les méthodes peu rigoureuses de travail me décourageaient. Même si je faisais mon possible pour faire mon travail correctement, je ne me sentais absolument pas à ma place, comme en visite sur une planète aux mœurs étranges. Petit à petit, ma motivation a diminué, et j’ai fini par ne faire que le strict minimum, les yeux rivés sur l’horloge, attendant la fin.

Avec. Quand je me lève le matin, les seules choses qui me retiennent au lit sont les bras de Morphée, les chats câlins et la chaleur humaine. Quand j’arrive à m’en extirper, j’ai le sourire aux lèvres en pensant à l’atmosphère de travail qui m’attend. Et puis si je n’y arrive pas assez tôt, ce n’est pas grave, je ne travaille que pour moi et personne ne m’épie. J’arrive dans un endroit rempli de sourires, d’attentions, de confiance et de fredonnements. Je suis responsable de ce que je fais. Quand c’est mal, et quand c’est bien. Et pour ça, ça me plaît de faire le maximum de ce que je peux.

Pour une fois, sois naturel

Arrête de tirer la tronche quand tout le monde s’amuse. Arrête de sourire tout le temps, tu nous fatigues. Tu veux pas te détendre un peu, tu nous stresses, là… Reste pas empoté comme ça, rends-toi donc utile. Mais pourquoi tu me colles comme ça, on dirait de la glu. Depuis quelque temps, t’es distant, j’te plais plus ou bien? Et puis, c’est quoi ta dégaine, là, tu nous fais honte. Avec ton père, on aimerait bien que tu fasses plus d’efforts pour être agréable en famille. Sois gentil avec la voisine, elle est plus petite que toi, tu dois montrer l’exemple. Participe un peu en classe, la maîtresse ne va pas te manger. Et puis c’est quoi, ta pose figée sur la photo, tu pourrais pas être naturel, pour une fois?

Presque le silence

Une heure du matin, je tourne dans mon lit. Je tends l’oreille mais n’entends rien. On pourrait croire le silence total. Pourtant, je sais que quelque chose a bougé. Enfin, je pense. C’est un très léger bruit qui m’a réveillé. Mais même en me concentrant de toutes mes forces, je n’entends que le bourdonnement de mon sang battant mes tempes. Un bruit sourd qui rend le silence encore plus oppressant. Et qui m’empêche de me concentrer sur les bruits extérieurs. Du coup, j’écarquille les yeux au maximum pour discerner le moindre mouvement dans l’ombre. Et là, j’aperçois, dans le coin opposé, un courant d’air qui déplace un énorme mouton de poussière. Ça me rassure. Au moins dix secondes. D’où vient le courant d’air?

De l’autre côté du miroir

De l’autre côté du miroir, Ecila se mire une dernière fois avant de partir en chasse. Jetant un regard hautain au miroir, elle me montre chacune de mes imperfections, elle minimise mes atouts que je croyais certains. Ecila n’a pas besoin de se savoir belle pour sortir. Un coup d’œil sévère sur la réalité lui convient bien. Mais à moi beaucoup moins. Lorsqu’elle scrute d’un air fataliste ses joues rebondies, ce sont mes joues que je sens grosses. Lorsqu’elle tire sur un épi disgracieux, je remarque à quel point ma coiffure est approximative. En passant sa langue sur ses lèvres d’une manière provocante, c’est mon côté carnivore qu’elle dévoile. Et je suis bien obligée de prendre conscience que quand elle part chasser, j’attends avidement son retour, pour une fugace rencontre, croisement de nos routes devant la glace. Je scrute la moindre trace de sang restant, imaginant sa course folle alors que moi, pauvre idiote, je reste là, vivant à travers elle. Perdue dans le miroir à trop vouloir m’y trouver, je lui ai laissé la place, et, il faut bien dire ce qui est, elle assure.

La chandelle

Pourquoi je suis venue déjà? Ah oui, si mes souvenirs sont bons, elle avait un peu peur d’être seule avec lui, elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle était une fille facile et qu’elle était toute à sa disposition. Pour un premier rendez-vous, inviter son amie à manger aussi chez elle, ça faisait plus naturel, moins “je vais finir nue sur le sofa avant le dessert”. Je comprends ça. Ce que je ne comprends pas en revanche, c’est pourquoi au bout de dix minutes elle s’est jetée sur lui pour l’embrasser, et que depuis deux heures j’attends désespérément le moment de pouvoir partir sans être trop impolie. Parce que là, j’ai douloureusement conscience que je les dérange, que sans moi ils seraient effectivement nus sur le sofa, même si on n’a pas encore entamé le dessert. Qui, je l’espère ne devrait plus tarder. Non merci, je ne prendrai pas de café, vous comprenez, je vais rentrer tôt, j’ai oublié de nourrir le chat avant de partir. Et puis j’ai largement passé l’âge de jouer les chaperons, dont vous n’avez, apparemment, pas besoin, sauf pour assouvir vos tendances exhibitionnistes.