Le ficus est mort sans toi. Lentement, je l’ai vu décliner. Comme il me faisait penser à toi, aux caresses que tu ne me feras plus, aux mots doux que tu diras à d’autres, j’ai refusé de l’arroser. Je l’ai regardé perdre ses feuilles, l’une après l’autre. Lentement d’abord, puis en cascades jaunies , recroquevillées. Quand j’ai été certain qu’il était mort, j’ai attendu encore six mois, et puis je me suis résolu à l’enlever du salon où les araignées commençaient à le regarnir de toiles de plus en plus épaisses. En le coupant en petit bois pour la cheminée, j’ai pleuré. Une dernière fois, juste quelques larmes, le tisonnier à la main, en écoutant les branches crépiter dans les flammes. Je n’ai même pas été capable de m’occuper d’une plante en pot, innocente et sans défense, je l’ai laissée mourir, mesquine vengeance. Comment espérais-je te donner envie de passer ta vie à mes côtés ?
Le chat me regarde d’un air dépité. Il n’aime pas ses croquettes, sa litière est sale et tu es parti avec son fauteuil préféré. On aurait pu s’unir, lui et moi, pour se passer de toi et t’en vouloir solidairement de nous avoir largués. Mais il préfère me contempler d’un air de reproche, me tenant responsable, probablement à raison, de ton départ définitif de sa routine féline. Autant dire qu’il n’apprécie pas les allées et venues dans mon lit… Il ne dort plus près de moi, il se soulage sur les sacs de mes invités, il miaule à la mort à 4h13 tous les matins, ce qui a le don de faire fuir même les plus amoureux de mes copains.
Le chat est mort hier, renversé bêtement en chassant un moineau. Je n’ai pas pu pleurer cette fois, mais j’ai payé l’incinération. Je te donnerai des cendres si tu veux. La maison est vide, je vais la vendre, sûrement. J’ai bien eu ton faire-part. Je vais vous acheter un cactus comme cadeau de mariage, parait que c’est increvable. Avec toutes mes félicitations.