Une amitié particulière

Après avoir partagé nos premiers émois, passion adulescente qui a formé nos corps et nos cœurs,

Après avoir relevé côte à côte les challenges amoureux et pansé nos blessures mutuelles, renforçant complicité et connaissance intime de l’autre,

Après avoir noirci des pages, des cartes, des cahiers d’encre pour toi, pour abolir la distance et calmer les ressentis bouillonnants,

Après avoir pensé des toujours qui ont fâné avec le temps et la routine,

Après avoir ébrêché la confiance sur des vérités déguisées « pour se protéger »,

Après avoir constaté avec tristesse la divergence des chemins,

Après avoir souffert de savoir finalement vivre l’un sans l’autre,

Après avoir jaugé les hommes à ta mesure avant d’en trouver un inestimable,

Après avoir vécu mille joies et peines d’une formidable histoire d’amour et de son épilogue, reste un lien indestructible, résistant à la distance et au temps qui nous ont à l’époque tant fait de mal. Et même sans montre-relique pour te rappeler à mon bon souvenir, tu occupes à jamais une place singulière dans ma mémoire et mon esprit.

Oh les filles !

« Nan, mais toi, t’es pas une vraie fille ». Le plus beau compliment qu’on pouvait me faire lorsque j’étais adolescente. J’avais intériorisé tellement fort qu’une fille ça fait des chichis, c’est superficiel, c’est fragile et ça ne vit que par rapport à d’autres que je refusais tout simplement d’appartenir au « beau sexe ». Éternelles Doc’s aux pieds, surtout pas de vêtements moulants ou décolletés, jamais de maquillage et coiffure hasardeuse, je ne cherchais que la compagnie des garçons et essayais de me faire passer pour l’un d’eux. J’aimais la simplicité de ces rapports sociaux simples et francs, que j’imaginais particuliers et tellement contraires aux ambiances plus féminines et « langues de putes ».

Il m’en a fallu, du temps et des rencontres, pour raisonner en terme d’individu, non de genre, et comprendre qu’être femme n’est pas une tare à masquer ou gommer coûte que coûte. Qu’il n’est nul besoin de renier sa part de féminité pour être authentique, originale, intéressante. Et qu’être femme ne se résume pas à porter jupes et talons ou à être douce et bien élevée.

Pour preuve mes amies au caractère bien trempé, drôles, émouvantes, indépendantes, intelligentes. Je ne me passerais plus d’elles. Pour parler de politique, d’art, d’éducation, d’amours, des systèmes, des gens, des galères, des joies, des défis, des attentes. De tout. Pour s’aider, se conseiller, se supporter. S’inquiéter parfois. Et rire, beaucoup. S’apprécier. En toute simplicité, en toute franchise, sans chichi aucun et sans jugement, s’attacher profondément.

Merci à mes amies de me rappeler, jour après jour, que les qualités d’une personne ne tiennent pas aux hormones qu’elles produisent. Continuez à être vous et à prouver qu’il y a mille manières d’être femme. Et qu’il n’y a à rougir d’aucune d’entre elles.

Highlander

Même piétiné, enfoui sous des tonnes de faits et laissé pour mort ; même après le deuil, lorsque la suite s’impose avec raison et détourne les pensées, l’espoir toujours revient à la charge et tapote l’épaule, le ventre et le cœur. Se pourrait-il que… ? Pour quelques jours encore, oui, tout est possible.

Avant que ne meure d’elle-même l’insolente étincelle, serait-ce si insensé de se laisser y croire encore quelques instants ? La chute sera-t-elle vraiment plus dure ? Et même si oui, cet envol inespéré qui allège le quotidien et étale les sourires ne mérite-t-il pas quelques hématomes à l’heure de l’atterrissage ?

Espoir, éternel survivant qui s’invite à la fête sans demander l’autorisation, merci d’enfin insoucier l’ordinaire, un brin pesant et studieux ces derniers temps.

Finalement, non

Après quelques heures / jours / semaines / mois à m’intéresser à vous en version groupie monomaniaque, un geste, une phrase, une attitude m’apporte un éclairage radicalement différent. Ce moment-là me parait durer une demi-seconde et un demi-siècle à la fois. Je peux alors vous observer sous toutes les coutures façon kaléidoscope mais je ne retrouve pas l’image de vous que j’avais un instant auparavant.

Finalement, non.

Non seulement je me rends compte que vous n’aviez en fait rien d’exceptionnel. Mais en plus j’ai beau chercher, je ne retrouve pas le charme qui faisait effet il y a pourtant peu. Même physiquement, j’ai l’impression de ne jamais vous avoir connu. J’essaie d’assembler vos traits, votre voix sonne faux, votre gestuelle m’apparait étrangère, lointaine. J’ai l’impression d’être sous acide et de ne jamais avoir été si lucide à la fois. Même si je n’ai aucun moyen de savoir réellement quelle perception est la plus juste, vous voilà soudainement en orbite à un distance infranchissable de moi. Finie, coupée en plein élan l’attraction irraisonnée.

Il ne me reste alors plus qu’à apprendre à vous connaître à nouveau et tenter d’évaluer à travers ce regard neuf les chances que nous devenions amis, au bout du compte.

Ça plane pour moi

La cervelle en surchauffe, enfin dans mon élément. Survol. Balayage. Focus. Urgence. L’échéance qui arrive comme un camion à contre-sens. Acuité. L’éveil adrénergique concentre l’attention papillon mais élargit l’esprit. La tempête en approche m’apaise, comme toujours. La toile se construit, lien après lien, réseau de savoirs articulés, de concepts en intelligence. Bien sûr il y a des lacunes. Mais le filet est solide et rassure. On peut se jeter dans le vide sans risquer de se faire trop de mal.

Et revoilà le frisson. Au moment de sauter du plongeoir, on teste ses appuis, l’élasticité de la planche. Mais il n’est plus temps de se demander si on sait nager. On sait. Il n’y a plus qu’à savourer la vie comme suspendue. Et sauter.

Peut être auront-ils raison, finalement. De cette année de malaise sourd, d’impression d’imposture, de stress acide rongeant le corps et les ressentis, peut être ne restera-t-il que cette quintessence. Toute l’intensité d’une année-sourdine révélée en une poignée de semaines et quelques étapes euphoriques le long du tunnel. Et alors, dans le rétroviseur, peut être ne seront reflétés que ces instants fugaces, condensés de vie à l’état brut, pour lesquels j’avais choisi, il y a à peine un fragment d’éternité, de relever le défi.