Exhibition

La femme invisible esquisse les contours de son corps sur le miroir. Elle recouvre son non-reflet de peinture rouge, appliquée à petits jets précis. Elle se dessine à nu aux yeux de tous, révélant un organe après l’autre en monochrome. Elle reproduit à l’instinct les palpitations qui la troublent et l’obsèdent. Elle traduit comme elle le peut le sang qui bouillonne dans ses veines indécelables, les pulsations dans ses tripes, le martèlement à ses tempes, la fébrilité de ses doigts, la chaleur qui presse son bassin, le gonflement rythmique de son cœur, les oppressions régulières de sa poitrine, et le tourbillon qui s’agite sous son crâne. Au final, elle contemple l’homonculus qu’elle vient de créer, sonde ses sensations dans toutes leurs subtilités pour le peaufiner.

Son autoportrait achevé, elle se reconnaît à présent pleinement dans le miroir. Elle s’en détache lentement, laisse la place libre devant la psyché. Elle guette. Calme la frustration sourde de n’avoir toujours pas de consistance en observant les réactions du public devant sa projection livrée en pâture. Rosit enfin, par petites touches sur les joues, le front, le creux du cou, devant les regards fascinés ou stupéfaits de celles et ceux qui l’ont côtoyée, juste effleurée toutes ces années sans jamais en avoir conscience. Jusqu’à prendre sans réserve sa place dans le monde, parmi ces milliers d’enveloppes charnelles, aussi transparentes et frémissantes qu’elle-même.

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