Mea culpa

Dans mon rétroviseur il y a tellement peu de regrets que je peux les compter tous, et tu as le privilège non négligeable d’en faire partie. Si je devais revivre ma vie, je referais presque tout, quasiment à l’identique. Non pas que je n’apprenne pas de mes erreurs, mais elles m’ont apporté au final plus de bien que de mal. Et j’espère avoir donné moi aussi un peu plus de bonheur que de malheur.

De toutes mes ruptures, venant clore aventures, histoires de cœur ou de corps, il n’en est au final qu’une dont je regrette la forme. Six ans après, je repense encore parfois à toi. Deux mois de printemps, une histoire en toute légèreté. Innocente et naturelle, une histoire qui fait du bien, une histoire facile à vivre. Deux mois de pur plaisir. Plaisirs des corps, danses, rires, conversations nocturnes, cuisines, musiques. Et j’en oublie peut être encore. Avec les ans, la mémoire s’émousse un peu.

Alors, bien sûr, on n’avait pas parlé d’amour, nous n’en étions pas là. Et je ne nous en ai pas laissé le temps, je suis partie avant. C’est vrai que c’était voué à l’échec, c’est vrai qu’on n’avait pas d’avenir. Perdu pour perdu, il valait mieux arrêter tôt, ne pas prendre le risque de se faire encore plus de mal un peu plus tard. S’il n’y avait eu que ça, alors très certainement tu m’en aurais moins voulu. S’il n’y avait eu que ça, alors c’est sûr, je m’en voudrais moins aujourd’hui.

Au final, celle qui m’a remplacée était bien mieux pour toi. Je persiste à croire que sans mon passage éclair dans ta vie, vous vous seriez attendus bien plus longtemps. Jalousie et compassion sont de puissants moteurs, ne les sous-estimons pas. Celui qui t’a suivi m’a rendue malheureuse. Est-ce que ça te console, est-ce que ça allège ma culpabilité?

Bien sûr, à force de chercher, de tâtonner, de tenter à chaque occasion, j’ai trouvé quelqu’un avec qui partager mon quotidien de la plus agréable façon qui soit. Quelqu’un qui justifie chacune de mes erreurs me guidant jusqu’à lui. On pourrait croire alors que le reste n’a pas d’importance. Et pourtant… À toi j’aurais aimé ne pas faire de mal. Ou t’en faire moins, ou différemment, ou pour de meilleures raisons.

J’aurais aimé te donner des explications satisfaisantes. Pas nécessairement bonnes (en existe-t-il vraiment?) mais sincères, plausibles, justes. Pour cela, il aurait fallu que moi-même je comprenne. Que consciemment je réalise que de me savoir avec toi avait blessé mon ex. Que je n’assumais pas la peine supplémentaire que je lui infligeais. Que tu as été sacrifié pour un manque flagrant de maturité. Je l’ai compris bien plus tard alors que ça te crevait les yeux. Tout ce que j’ai pu te dire sonnait faux à tes oreilles. Je t’en voulais de ne pas me croire. En quelques jours, sans que tu y sois pour grand chose, j’ai gâché deux mois d’insouciance. J’avais réussi à force de patience à faire tomber tes défenses pour finalement te piétiner. Sans même m’en rendre compte.

Avec le temps, je pense que tu m’as rangée à ma place, celle d’une passade un peu trop jeune, une douce inconsciente qui croque la vie pour mieux l’apprendre. Que comme moi, tu ne regrettes pas d’en avoir profité, parce qu’à ce moment-là, crois-moi, j’étais sincère. Et j’espère que tu as relativisé la fin, que ta propre maturité a pu combler les brèches que j’ai ouvertes.

Tu ne liras probablement jamais ces mots, je suis sortie de ta vie il y a longtemps et c’est tant mieux pour toi. Rien ne m’autorise à m’y inviter six ans plus tard, fut-ce pour t’expliquer, fut-ce pour te demander pardon. Ton nom passe-partout t’assure le plus strict anonymat. Quand bien même je le voudrais, je ne pourrais pas te retrouver. Mais il n’empêche qu’aujourd’hui comme quelques fois lors de ces ans passés, me vient l’envie de te voir. Parler à nouveau avec toi. Danser avec toi. Certainement ce ne serait plus pareil, mais tu étais bon danseur, à l’époque. M’assurer que tu vas bien, que ta vie te convient.

J’ai perdu ce droit par bêtise et égoïsme il y a bien longtemps. J’ai perdu l’ami qui aurait pu se cacher derrière l’amant et je ne peux que m’en blâmer. Je sais juste, au fond de moi, que tu étais quelqu’un de vraiment bien et mon regret sera d’être passée à côté à force de n’en faire qu’à ma tête.

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