La plus belle matière du monde

Un groupe. Quinze corps qui se découvrent. Quinze volontés à guider pas à pas vers un dessein commun. Quinze sensibilités à ménager. Quinze esprits à mêler, tisser, souder pour construire la plus belle des entités. Une troupe.

Un potentiel de haut vol. Un pari risqué. Ne surtout pas gâcher les millions de possibles qu’ils laissent entrevoir. Récolter, mettre en forme, cultiver chaque pousse sortie par hasard. Insuffler assez d’énergie pour tenir la distance. Badigeonner de confiance comme engrais et ciment. Saupoudrer le tout d’euphorie, d’émerveillement, de complicité. Savourer les instants de grâce, incrustés dans le cœur sitôt disparus.

Le cœur gonflé d’espoir, tout est permis pour un temps. Et si ça marchait? Se pourrait-il que le nectar de ces quinze fleurs sauvages nous donne la liqueur la plus subtile qui soit? Distillons, distillons, afin que le moment venu chacun se régale au calice de l’ultime consécration. L’éphémère en œuvre d’art qui scellera l’appartenance de tous à cette troupe exceptionnelle. La notre.

Histoire du participe passé qui voudrait être accordé et qui se fait corriger

Il en a tellement marre ! À chaque fois que le grand Monsieur Avoir se pointe, pas moyen de s’amuser. Être, au moins, il paie pas de mine mais il n’est pas si regardant. Avec lui, on peut changer, se parer, s’accessoiriser, s’entendre avec ses voisins. On est loin de la rigueur du tout-puissant Avoir. Lui ne tolère qu’une exception à sa sacro-sainte règle. Passez devant, les compléments ! De toujours vous voir derrière, il n’est point d’accord !

Alors, à force, le petit se rebelle, glisse quelques s pour semer le doute. A-t-il raison ou bien tort? Les esprits s’embrouillent, les érudits ont déserté, les gardiens sont débordés. Dans la masse, qui s’en soucie?

Mais alors qu’il prend ses aises, fait de l’oeil à chaque adjectif, s’harmonise à tout-va, un œil sévère l’épingle. Avoir ne tolère pas d’accord entre parties, qu’on se le dise, à moins qu’il ne soit galamment précédé d’un C.O.D. Ainsi fut épinglé le participe passé qui dans le moule ne voulait pas entrer.

Pas assez de toi

Je voudrais te montrer mille choses intéressantes, partager avec toi tout ce qui aujourd’hui m’a arraché un sourire. Dans tout ce que j’ai pu voir flottait ton portrait en médaillon. Ça t’aurait plu, je suis sûr que ça t’aurait fait rire, hocher la tête, réfléchir peut être. Tu aurais bien sûr rebondi. Tu le feras quand je l’évoquerai pour toi. Je vois déjà tes sourires, tes mimiques, ta frimousse sceptique s’éclairer. Je voudrais que tu sois là pour vivre avec moi toutes les magies du quotidien.

Toi, tu ris avec lui.

Je voudrais te couvrir de baisers, relier chacun de tes grains de beauté, explorer, caresser la totale surface de ton corps et plus encore. Enregistrer tes réactions, jouer de toi jusqu’à te rendre folle. Anticiper tes envies, frustrer tes attentes pour mieux plus tard les assouvir, taquiner tes zones sensibles, les répertorier en une carte interactive.

Toi, tu jouis avec lui.

Je voudrais m’endormir dans tes bras, bâtir pour toi des projets qu’on concrétiserait à deux. Tenir ta main, te rassurer, te dorloter, te réchauffer, t’observer à la dérobée, te masser les pieds, partager tes repas, ne rien faire avec toi. Tu te blottirais dans mes bras pour me susurrer des fadaises au creux de l’oreille. Je ferais celui qui s’en moque pour que tu continues mais j’en savourerais chaque syllabe. Je voudrais une centaine de quotidiens pour profiter de ta présence, réparer les maladresses, user de mes droits à l’erreur.

Toi, tu vis avec lui.

J’veux du soleil

J’veux du soleil tellement fort que souvent il brille pour moi. Je ne peux pas me lasser de sa caresse sur ma peau. J’aime les couleurs qu’il donne aux paysages. J’aime plisser les yeux devant la forte luminosité qui brûle mes paupières. Quand il fait nuit, je tourne tellement longtemps dans mon lit que le soleil finit par me délivrer. Sous la pluie, les nuages, le brouillard, j’implore encore et encore jusqu’à ce que le soleil ait pitié de moi. Il sait que s’il ne vient pas, un jour je finirai par venir en personne le chercher. Il préfère, l’air de rien, montrer au monde qu’il est venu de son plein gré. Il a passé l’âge de faire des caprices, le soleil, et il sait très bien qu’avec moi il n’aura jamais le dernier mot.

La réhabilitation du grand méchant loup

Sans toi, ma vie aurait été tellement plus complexe. Comment leur faire comprendre? Comment faire qu’ils m’écoutent? Un jour, sans réfléchir, je t’ai appelé à la rescousse. Tu savais que tu aurais le mauvais rôle, mais tu es venu quand même. Grâce à toi, je redorais mon blason, récupérais ma place de gentil défenseur. Et eux ont filé droit. Toujours là quand j’en avais besoin, tu déboulais à l’envi de sous un lit ou de derrière une porte, tu te cachais dans les placards et surgissais s’ils ne prenaient pas leur bain assez rapidement. Tu te rangeais aussi sec une fois la bonne action accomplie et la maisonnée redevenait paisible.

Un jour, il a bien fallu leur dire. Question de confiance. Ils ont ri de toi, fiers de leur savoir, de leur importance. Tu es parti et j’ai dû trouver des mots, des arguments, de la logique pour faire rentrer quelques notions dans leurs petites têtes de pioche. Merci quand même de m’avoir aussi bien servi toutes ces années, j’espère que tu trouveras de quoi t’occuper dans ce monde où les enfants grandissent.