Préquelles

« – Casse toi, on t’aime pas !

– Non. Vous ne m’aimez pas encore, nuance. Et pas besoin de le dire, je le vois bien. Vous ne m’aimez pas, c’est vrai. Mais c’est normal. Vous ne savez rien de moi.

Vous ne connaissez pas mon infinie patience ; les jours, les semaines, les mois d’attente. Les années s’il le faut. Vous ne maîtrisez pas l’habituation. Je resterai à la limite, juste à la limite, où vous pourrez me tolérer, ou même m’ignorer en toute confiance. Chaque jour, je serai là. Imperceptiblement plus près de semaine en semaine. Jusqu’à faire totalement partie du décor de vos vies.

Vous ne connaissez pas encore le manque. Je sais me rendre indispensable. À force de services, de suggestions, de petites idées qui rendent la vie agréable, voire de muffins et autres cookies qui tiennent au corps et au cœur. Je saurai disparaître, de temps en temps, au parfait moment où mes absences vous sembleront totalement incongrues, pour que vous éprouviez enfin cette minuscule déception en découvrant ma place vacante.

Vous n’imaginez pas les rires, l’écoute, l’appui, le futile pourtant indispensable, la confiance, la connivence. Les contacts, l’intimité de groupe, les regards complices, le langage codé, les histoires communes. Vous vous sentirez tellement spéciaux à mes côtés ! Uniques au monde dans mes yeux. Comme des reflets dans un miroir complaisant, vous serez le meilleur de vous-mêmes. Tant que je serai là pour vous.

Oh non, vous ne m’aimez pas, je sais. Je sais. Mais vous y viendrez. L’un après l’autre, presque malgré vous. Vous y viendrez, vous verrez. Vous m’aimerez.

– Casse-toi, on t’a dit ! Tu pues, dégage ! »

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