Où est ma tête quand j’écris ?
Je peux lire – marcher – courir – nager – parler – manger et sans prévenir les mots coulent dans cette tête, liant un ailleurs à un maintenant. D’un coup vient cette furieuse envie de noter sur n’importe quel support – papier – mouchoir – carnet – téléphone – main – table – tête. Frénétiquement les phrases tournent jusqu’à s’ajuster. Sans que je ne fasse rien que laisser ma tête vagabonder à l’affût de ces mots qui ne demandent qu’à l’envahir.
Si l’instant passe sans que rien ne soit gravé, peut être les assemblages seront-ils perdus à tout jamais. Il y a un temps pour tout. Et certains textes inachevés le resteront très certainement, le train des mots étant parti. C’est un peu comme le sommeil cette affaire là, quand on rate le coche on peut attendre un bout de temps. Et on ne sait pas sur quels rêves on va tomber à retarder comme ça le moment de céder à l’inconscient impératif.
À qui appartient ma tête quand j’écris comme ça ? À qui appartiennent mes mots, mes textes ? Quand je ne sue pas sang et eau pour poser trois paragraphes mais que s’écoule venue d’on ne sait où une espèce de prose déjà posée, déjà pensée. Suis-je tout juste bonne à l’enrobage, à raccrocher et lier les formules comme un cuisinier prépare son menu ? S’il est formidablement exaltant de voir ces cascades de mots se déverser dans ma caboche-réceptacle, l’impression de dépossession de moi-même qui en résulte est à la fois très excitante et un brin effrayante. Qui suis-je donc quand j’écris ?